ECOUTER, selon Carl ROGERS

Le pouvoir de l'écoute dans la relation d'aide

La relation d'aide vient de Carl ROGERS, psychologue humaniste américain, né en 1902. Avant lui, Sigmund FREUD a été le premier à s'intéresser à la psyché humaine. S. FREUD était médecin ce qui lui conférait un statut de sachant auprès de ses patients, instaurant ainsi une relation de supériorité vis-à-vis de ces derniers.

Carl ROGERS a été le premier à amener l'idée que le client et le thérapeute étaient sur un pied d'égalité. Dans les années 40, il créé donc l'Approche centrée sur la personne, une approche thérapeutique apportant les conditions nécessaire au processus de croissance de la personne, chacun ayant les ressources suffisantes en lui pour réaliser son plein potentiel. Ainsi est né la relation d'aide.

L'une des conditions à ce processus étant une écoute active, bienveillante et neutre permettant à l'autre de se sentir pleinement écouter et accueilli dans son individualité.

" J'aime écouter

Ainsi le 1er sentiment, tout simple, que je désire partager avec vous, c'est ma joie de pouvoir écouter quelqu'un. Je crois que cela représente une caractéristique constante chez moi. Je me souviens d'une chose qui s'est passée plusieurs fois dans les premiers temps où j'allais à l'école. Un enfant demandait quelque chose à l'instituteur et celui-ci lui donnait une réponse parfaite, mais à une question entièrement différente. Je sentais alors en moi une douleur et un sentiment de détresse. J'avais envie de crier : "Mais vous ne l'avez pas écouté!". J'éprouvais une sorte de désespoir enfantin devant le manque de communication qui régnait (et règne encore).

Je crois que je sais pourquoi il m'est agréable d'écouter quelqu'un. Lorsque je parviens à entendre réellement un autre, cela me met en contact avec lui. Cela enrichit ma vie. C'est en écoutant les gens que j'ai appris tout ce que je sais sur les individus, sur la personnalité, sur la psychothérapie et sur les relations interpersonnelles. (...) Derrière le message immédiat de la personne, peu importe son contenu, il y a l'universel, le général. Cachées au sein des communications personnelles que j'entends réellement, il semble qu'il y ait des lois psychologiques bien ordonnées, des perspectives sur cet ordre imposant que nous trouvons dans l'Univers. Ainsi j'éprouve à la fois la satisfaction d'entendre cette personne particulière et la satisfaction de me sentir d'une certaine manière en contact avec la vérité universelle.

Lorsque je dis que j'éprouve de la joie à écouter quelqu'un, il s'agit, bien entendu d'une écoute en profondeur. Je veux dire que j'écoute les mots, les pensées, les intonations, la signification qu'y met la personne, et même la signification qui se trouve au-delà de l'intention consciente de celui qui parle. Parfois aussi, dans un message qui apparemment n'est pas important, j'entends un cri humain profond, un "cri silencieux" qui se trouve enfoui, inconnu, loin au-dessous de la couche superficielle de la personne.

Aussi ai-je appris à me demander ; est-ce que je puis entendre les sons et saisir la forme du monde intérieur de cette personne? Puis-je entrer en résonance avec ce qu'elle dit, puis-je laisser chanter l'écho en moi, assez profondément pour retrouver aussi bien le sens qui l'effraie et que pourtant elle voudrait communiquer, que le sens qu'elle connait. (...)

J'ai constaté, lors de mes entretiens thérapeutiques et au cours des expériences de groupes (...) qu'entendre entraine des conséquences. Lorsque j'entends vraiment quelqu'un et les significations qui sont importantes pour lui à ce moment, lorsque je n'entends pas seulement ses mots, mais lui-même, et que je lui fais comprendre que j'ai entendu ce que signifie pour lui son message, alors beaucoup de choses se passent. Il y a d'abord un regard plein de reconnaissances. L'autre se sent libéré. Il désire m'en raconter davantage sur son monde. Il plonge dans une sensation nouvelle de liberté. Je crois qu'il devient plus disponibles au processus de changement.

J'ai souvent remarqué, à la fois en thérapie et dans les groupes, que plus profondément j'entends le message de quelqu'un, plus il se passe d'évènements. Une chose que j'ai fini par considérer presque comme universelle, c'est que, lorsque quelqu'un se rend compte qu'il a été entendu en profondeur (...) c'est comme s'il disait : "Dieu merci, quelqu'un m'a entendu. Quelqu'un sait ce que c'est d'être moi". En de tels moments, j'imagine un prisionnier dans son cachot, envoyant jour après jour un message en morse : "Est-ce que quelqu'un peut m'entendre?". Et finalement, vient le jour où il entend une faible réponse qui dit :"oui?". Par cette simple réponse, il est délivré de sa solitude, il est redevenu un être humain. Il y a beaucoup, beaucoup de gens aujourd'hui qui vivent dans des cachots privés, et cela sans qu'il y paraisse, et il faut tendre l'oreille très attentivement pour percevoir les timides messages qu'ils émettent depuis leurs cachots."

Carl ROGERS